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Témoignage d'une kayakiste (Lynne Roy) : Dans ma tête, il y a une jeune fille de 24 ans!

Je vous raconte un pan de ma vie qui a été modifié par le kayak d'eau vive... pas seulement par la pratique en soi, mais aussi par tout ce qui s'y rattache d'humain.  Les deux dernières années sont une succession de rencontres et d'échanges. Ceci m'a mené à prendre des décisions majeures pour ma santé: travailler à remettre mon corps dans une forme acceptable et par le fait même permettre de repousser deux opérations majeures aux genoux.  C'est ainsi que je peux dire qu'à près de 57 ans, j'ai une jeune fille de 24 ans qui m'habite !

Le contact

S'occuper d'un jeune garçon faisant face à des questions existentielles d'ado, des difficultés scolaires majeures, en même temps qu'il subit divers problèmes médicaux collatéraux qui, malheureusement se succèdent, c'est un engagement de tous instants! La préoccupation principale étant de l'aider dans ses efforts pour améliorer son estime de soi, je suis partie en quête d'une activité où il se sentirait motivé.
C'est par un très grand hasard que ma recherche internet s'est arrêtée sur le sport de kayak d'eau vive; ça aurait pu être n'importe quoi d'autre !  En fait, j'ai cogné à la porte de plusieurs autres sports, laissé beaucoup de messages, puis, j'ai eu un appel d'un certain Roger.  Il a écouté mon histoire, pris au sérieux mes craintes pour mon garçon et il s'est fait rassurant.  C'est aussi monsieur le hasard qui a fait que Roger m'a parlé de la dernière place qui restait au dernier cours d'initiation de la saison.  Bingo !  Fiston s'est trouvé inscrit et une nouvelle vie commençait tant pour lui, pour moi que pour l'ensemble de la famille: les amis en sont témoins !
Aussi, c'est avec une joie croissante que j'ai encouragé fiston dans son trajet au sein du club dès son adhésion en avril 2015, l'amenant partout où il pouvait apprendre, m'assurant qu'il ait le support adéquat, prenant des photos et contaminant mon conjoint à nous aider dans cette quête du mieux être de mon fils de 15 ans.
Au cours de cette 1ere année, j'ai appris à aimer et à apprécier l'équipe du club: tous ces gens qui s'encouragent les uns les autres, tout en se taquinant sans malice.  Et ce dernier point est primordial à retenir: aucun "Gino Camaro à gros pectoraux" ne viendra te dire que lui a LA recette, que ce que tu fais est "poche" !  Personne ne te regardera avec mépris ou pitié. Je n'ai croisé que des gens de cœur et d'entraide qui donnent sans compter.  Ainsi, fiston a été en mesure de s'adonner à un sport qui lui apportait du plaisir, du soutien, des connaissances transversales  et surtout, lui ouvrait des portes sur un monde actif et sain.

La communauté

En parallèle au Club, il y a tout un monde: la fédération de canoë Kayak d'eau vive, qui reste encore pour moi à découvrir, une préoccupation active pour la conservation des cours d'eau au Québec et pour la promotion de nos rivières et nos vagues, richesses insoupçonnées juste là à proximité de Montréal et d'autres clubs ayant des missions complémentaires, sachant exploiter dans le respect ces ressources inestimables.  Des gens se croisant sur les rivières ou durant les événements de kayak-canoë (tout ce monde, participant et/ou tour à tour, bénévole !), partageant des fous rires, des trucs, des équipements, et surtout collaborant pour l'amour de ce sport.   En fait, je suis tombée amoureuse.  Amoureuse de cette vie, aspirant à partager avec mon fils cette passion, mais surtout être vraiment physiquement active dans la compréhension de ce qu'il vivait de si jouissif avec cette gang de doux fous !
La révélation
Pire, au fur et à mesure que Jacques (mon conjoint) ou moi filmions les exploits, parfois complexes, débiles ou juste très simples de fiston et des amis du club, l'eau, ce potentiel danger, cette source indomptable, cette vie propre en soi... l'eau m'hypnotisait.... il y avait comme un appel divin !  Aurais-je manqué ma vocation ?   Comment il se fait que je n'ai jamais pensé essayer le kayak avant? Sans être une "sportive", je suis active. Diverses expériences de jeunesse en ski m'ont laissé des séquelles physiques importantes. De plus, je suis tributaire de la génétique et l'arthrose ainsi que l'ostéoporose me gagnent à bien des endroits.  Et plus encore, ma vie de sédentaire épicurienne parait au 1er coup d'œil: je ne trompe personne sur mon cas "désespéré".  Alors quoi ?  Qu'est ce que j'espère ? Est ce trop tard pour m'initier à ce sport qui semble plutôt extrême ?

Le grain de folie

C'est mue par le désir de pouvoir suivre fiston que je me suis inscrite au cours d'initiation en piscine: 5 soirs bien intenses, captivants mais épuisants.  Lorsque je relis mes nombreux "posts" sur ma page Facebook où je relate mon expérience au fur et à mesure, je me souviens de la douleur, de l'effort...:
11-02-16: "Haaaa..j'ai mal partout !!! mais.... je "commence" à comprendre le mouvement de l'esquimautage.... c'est plutôt important. Alors je suis fière ! Mais, j'ai mal partout et mon genou droit se déboîte. Ca fait de longs mercredis.... mais, je suis fière et je vais y arriver !"
21-02-16: "Esquimautage....mystère de la Terre promise ??!! Aller, Hop, un bon café pour replacer mes idées — perplexe."
28-02-16: "Bon, mon fils ce matin m'a dit; " maman, ne te décourage pas, tu vas finir pas le faire... ok, tu es vieille, t'as pas la "shape" pour ca, mais tu vas réussir ton esquimautage à un moment donné"... hum... je ne peux pas dire quelle partie de cette échange avec mon fiston, m'a le plus encouragé??!! Je suis perplexe."
Et au long de ce cours, je réalise tellement que je ne suis pas en forme, que mon souffle n'est pas au rendez-vous et que mon poids me bloque: c'est là que je décide, doucement, de me reprendre en main.  En effet, je refuse de me croire trop vieille, je refuse de me dire que je pars de trop loin.  Je débute donc du stretching à la maison, de façon aléatoire mais répétée.  Fait important, ma détermination a contaminé mon chum.
Suite au cours d'initiation, j'ai décidé de poursuivre quelques ateliers de perfectionnement car je ne me faisais pas assez confiance pour me jeter dans le KEV2.  Parmi ceux-ci, un atelier d'esquimautage avec Kayak Sans Frontière (KSF) ... un 12 mai, dans les eaux adjacentes des Rapides de Lachine, brunes et froides.  Aie! quel choc! Et lors de cette journée, je me sens brisée, en morceaux, poquée, épuisée, et mes mains sont enflées.  Pire, mes épaules ne semblent plus à leur place normale.   Est ce que je suis fière d'avoir fait ce que j'ai fait ? Oui. Est ce que je suis encouragée ? Hum.... ouiiiii, mais, il y a tant à faire pour me faire confiance à moi, et je pars de si loin.  Malgré tout cet atelier m'a permis de m'approprier, en rivière, des gestes appris en piscine, de me challenger à prendre une vague en traversant la ligne de cisaillement....en gardant son équilibre, oh!... que du plaisir... effrayant !  Je ne peux que remercier les gars de KSF, et surtout Alex, pour sa patience, sa compréhension de mes limitations, mais aussi pour sa fermeté intense dans ses encouragements et ses directives. 
A la même période, j'ai la chance de suivre un atelier de perfectionnement du club et de profiter en tout petit groupe de l'enseignement des moniteurs bénévoles.  Cela se vit comme une prolongation du cours d'initiation en piscine et ça a été très bénéfique pour moi, j'ai repris confiance (Merci Roger!).  En effet, sans cela, je ne pagaierais plus. Pour quelques personnes, dont je suis, il faut plus de temps pour assimiler la mécanique et se permettre de se "propriosentir" comme le dirait Alex.  De plus, suite à ces ateliers mon corps ne crie plus  en fait... il s'habitue à ce rythme.

La résilience

Forte de cette nouvelle expertise, j'ai fait mon KEV2 sur la Rivière rouge en mai 2016 et je suis vraiment fière de moi.  Mais pour être honnête, Ouf... quelle demande d'énergie durant ces 4 jours intenses!  Sauf qu'aussi, c'est un apprentissage parfait et c'est juste ce qu'il me fallait pour vraiment m'accrocher encore plus. Ceci fait réaliser que l'excellence d'un sport est certainement le travail d'une vie. La persévérance dans un sport débuté sur le tard est une sorte de combat qui doit avoir un but afin de maintenir l'intérêt. Lorsque le but se diffuse, il faut retravailler la motivation pour maintenir le rythme. Par contre, rien n'est acquis en kayak, la persévérance est de mise et la pratique est gage de succès, c'est beaucoup de travail et de passion avec un gros grain de folie...  De plus, on s'y fait régulièrement des "bleus" de toutes les couleurs, et on est si racké qu'on ne peut que se souvenir de son corps à chaque minute car il te le rappelle ...
A l'été, j'ai fait quelques sorties de débutants où je m'y suis fait des peurs incroyables mais siiiiiii excitantes et si magnifiques que je ne pouvais m'empêcher d'y retourner!  Mais surtout, c'est cette immense sensation extraordinaire de se promener à fleur d'eau, de sentir le courant et de suivre la vague tout en apprenant à vivre avec elle qui est si magique !!  Mais ce n'est certainement pas juste "rose" : au cours de la saison, j'ai perdu mon esquimautage, j'ai pris des fouilles d'enfer car je ne gite pas encore du bon bord quand il faut, je nage tout le temps et c'est fatiguant.  J'ai aussi peur de me faire mal: portager est éreintant et ca fait mal aux genoux.  

La bonne direction

Le kayak d'eau vive est un sport un peu fou qui demande beaucoup d'efforts dans un contexte mouvant (l'eau, la vague, les courants) qui ne se maîtrise pas si "naturellement" en fait pour des gens comme moi.  Mais comme c'est un sport tant individuel que foncièrement de groupe, il y a toujours quelqu'un pour t'encourager, pour te sourire, te soutenir, ou qui a son tour a besoin de ton coup de main: on y est en gang, comme dans une famille tissée serrée, mais tout en étant soi même, un individu, accepté comme on est!
Parmi mes rencontres, il y a eu des personnes ayant des carrières en lien avec la santé, ou étant eux même en recherche d'un mieux être.  Ceci m'a permis d'intégrer dans ma compréhension de ma santé des éléments bénéfiques et entre autre boire de l'eau, que je consommais si peu.  L'eau est donc devenue une source de vie que j'ingère mais sur laquelle je veux aussi surfer.  Et monsieur le hasard me suivant toujours, c'est par les échanges entre kayakistes que j'ai découvert un centre de médecine sportive où j'ai été en mesure d'avoir un autre point de vue sur ma santé de façon globale.  Par ces expertises, j'ai modifié ma route.  Et bien qu'au profond de moi je sente que je suis en retard de 25-30 ans pour ce faire, j'intègre réellement qu'en faisant partie de cette communauté de kayak d'eau vive, je prends soin de moi!
Ce qui est important, c'est de sentir que la volonté de faire mien ce sport, et ce sans viser l'excellence, juste le plaisir.... ca m'encourage à continuer de m'entrainer doucement mais surement: faire du cardio, du streching, du yoga... de mieux respirer et pour mes genoux, du vélo, le plus possible.  Bouger pour redonner à mon corps son pouvoir ! 

L'engagement

A la veille de mes 57 ans, c'est la 1ère fois de ma vie que je me sens si motivée à retrousser mes manches, à modifier mes habitudes de vie et donc, à reprendre ma santé en main.  Ce n'est pas acquis, oh, non, et je dois dire que ce n'est pas facile de persister à se lever le matin, faire sa routine sportive et surtout intégrer celle-ci à une vie occupée.  Cependant, je sens que je vais dans la bonne direction et je le dois au kayak, je le dois à la communauté de kayak d'eau vive qui permet aussi des espaces de rencontres et de dépassement de soi qui nous forgent à être meilleurs!!  Merci au CCKEVM et bien sur à vous tous de la communauté du kayak d'eau vive !